Paru dans Nouvelle au pluriel 99, p.8-9, Ediyinter, 1999.
Aimez-vous la nouvelle? La détestez-vous? La pratiquez-vous? Quels sont les auteurs de nouvelles qui vous ont marqués?
« Son visage gras et cuivré cesse de sourire lorsqu'elle s'installe lourdement à sa place de conteuse. Le crépuscule violent tire à sa fin et nous sommes nombreux à entourer cette grand-mère métisse pour la cérémonie de la soirée, femmes jeunes et moins jeunes, lestées de bébés, jeunes filles riant sous cape et enfants d'âge divers. Les hommes sont remontés au village après dîner. Aucune lumière artificielle ne viendra nous éblouir sur cette terrase haute et saisie dans l'ombre paisible de la nuit proche. Chacun tend l'oreille dans l'attente du premier mot. Grand-mère va parler, grand-mère va conter. »
Ainsi ai-je été nourrie, petite, d'histoires. je ne l'ai jamais oublié. je suis entrée dans l'écriture par la Nouvelle, qui m'apparait comme un conte pour adultes. Je suis une conteuse dévoyée qui a appris à écrire. Non seulement j'aime ce genre littéraire, non seulement je le pratique, non seulement je me délecte de ses productions mais aussi je le défends comme un art nécessaire et précieux. Non seulement j'aime raconter en écrivant régulièrement des nouvelles - un genre qui peut aborder tous les genres ! - non seulement je me réjouis de cette activité ludique qui peut prendre des allures fantastiques, ou pleines de poésie, ou policières ou carrément réalistes mais encore je continue à m'en laisser conter !
Le temps a passé. La petite fille a grandi. Mais elle a su sauvegarder son désir d'écoute, son attention au monde et son émerveillement. Rien n'a altéré le plaisir du "racontage" reçu ou donné. Il s'est simplement transformé pour devenir un métier.
Les nouvellistes qui m'ont marquée? Certes ils sont légion, morts, vivants, parfois géants. Bien que je ne pèche pas par orgueil je les considère comme des collègues, comme des confrères, parfois comme des guides. Les Maîtres véritables qui m'ont prise par la main pour me dire la Nouvelle tous les jours durant les années petites, ce sont mes Grand-Mères. Ici je les remercie et je les honore.
Fatima Gallaire